Том 7. О развитии революционных идей в России - Страница 4


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C'est une honte en l'an 1849, après avoir perdu tout ce qu'on avait espéré, tout ce qu'on avait acquis, à côté des cadavres de ceux que l'on a fusillés, étranglés, à côté de ceux qu'on a jetés dans les fers,déportés sans jugement; à l'aspect de ces malheureux chassés de contrée en contrée, à qui on donne l'hospitalité, comme aux Juifs du moyen âge, à qui l'on jette, comme aux chiens, un morceau de pain, pour les obliger de continuer leur – chemin – en l'an 1849, c'est une honte de ne reconnaître le tzarisme que sous le 59 degré de latitude boréale. Injuriez tant qu'il vous plaira et accablez de reproches l'absolutisme do Pétersbourg et la triste persévérance de notre résignation; mais injuriez le despotisme partout et reconnaissez-le sous quelque forme qu'il se résente. L'illusion optique, au moyen de laquelle on donnait à l'esclavage l'aspect de la liberté s'est évanouie.

Encore une fois: s'il est horrible de vivre en Russie, il est tout aussi horrible de vivre en Europe. Pourquoi ai-je donc quitté la Russie? Pour répondre à cette question, je traduirai quelques paroles de ma lettre d'adieux à mes amis:

Ne vous y trompez pas! Je n'ai trouvé ici ni joie, ni distractions, ni repos, ni sécurité personnelle; je ne puis même imaginer que personne aujourd'hui puisse trouver en Europe ni repos ni joie.

Je ne crois ici à rien qu'au mouvement; je ne plains rien que les victimes; je n'aime rien que ce que l'on persécute; et je n'estime rien que ce que l'on supplicie, et cependant je reste. Je reste pour souffrir doublement de notre douleur et de celle que je trouve ici, peut-être pour succomber dans la dissolution générale. Je reste, parce qu'ici la lutte est ouverte, parce qu'ici elle a une voix.

Malheur à celui qui est vaincu ici! Mais il ne succombe pas sans avoir fait entendre sa voix, sans avoir éprouvé sa force dans le combat; et c'est à cause de cette voix, à cause de cette lutte ouverte, à cause de cette publicité, que je reste.

Voilà ce que j'écrivais le 1er mars 1849. Les choses, depuis lors, ont bien changé. Le privilège de se faire entendre et de combattre publiquement s'amoindrit chaque jour davantage, l'Europe chaque jour davantage devient semblable à Pétersbourg; il y a même des contrées qui ressemblent plus à Pétersbourg que la Russie même.

Et si l'on en vient, en Europe aussi, à nous mettre un bâillon sur la bouche, et que l'oppression ne nous permette pas même de maudire, à haute voix, nos oppresseurs, nous nous en irons alors en Amérique, sacrifiant tout à la dignité de l'homme et à la liberté de la parole».

II
La Russie avant Pierre ier

L'histoire russe n'est que l'embryogénie d'un Etat slave; la Russie n'a fait que s'organiser. Tout le passé de ce pays, depuis le IXe siècle, doit être considéré comme l'acheminement vers un avenir inconnu, qui commence à poindre.

La véritable histoire russe ne date que de 1812 – antérieurement il n'y avait que l'introduction.

Les forces essentielles du peuple russe n'ont jamais été effectivement absorbées par son développement, comme l'ont été celles des peuples germano-romains.

Au IXe siècle, ce pays se présente comme un Etat organisé d'une toute autre manière que les Etats d'Occident. Le gros de la population appartenait à une race homogène, disséminée sur un territoire très vaste et très peu habité. La distinction qu'on trouve partout ailleurs entre la race conquérante et les races conquises ne s'y rencontrait point. Les peuplades faibles et infortunées des Finnois, clairsemées et comme perdues parmi les Slaves, végétaient hors de tout mouvement, dans une soumission passive, ou dans une sauvage indépendance; elles étaient de nulle importance pour l'histoire russe. Les Normands (Varègues), qui dotèrent la Russie de la race princière qui y régna, sans interruption, jusqu'à la fin du XVIe siècle, étaient plus organisateurs que conquérants. Appelés par les Novgorodiens, ils s'emparèrent du pouvoir et retendirent bientôt jusqu'à Kiev.

Les princes varègues et leurs compagnons perdirent à la fin

De cuelques générations le caractère de leur nationalité, et se confondirent avec les Slaves, après avoir imprimé toutefois une impulsion active et une nouvelle vie à toutes les parties de cet Etat à peine organisé.

Le caractère slave présente quelque chose de féminin; cette race intelligente, forte, remplie de dispositions variées, manque d'initiative et d'énergie. On dirait, que la nature slave, ne se suffisant pas à elle-même, attend un choc qui la réveille. Le premier pas lui coûte toujours, mais la moindre impulsion met chez lui en jeu une force de développement extraordinaire. Le rôle des Normands a été pareil à celui qu'a rempli plus tard Pierre le Grand, par la civilisation occidentale.

La population était partagée en petites communes rurales, les villes étaient rares et ne se distinguaient en rien des villages, excepté par leur plus grande étendue et par l'enceinte en bois qui les entourait (le mot russe gorod, ville, provient de gorodite, enclore). Chaque commune représentait, pour ainsi dire, la descendance d'une famille qui possédait ses biens sans partage individuel, en commun, sous l'autorité patriarcale exercée par un des chefs de famille reconnu pour l'ancien. Ce régime tout monarchique était corrigé par l'autorité de tout le monde (vess mir), c'est-à-dire par l'unanimité des habitants. Et, comme l'organisation sociale des villes était la même que celle des campagnes, il est évident que le pouvoir princier était contrebalancé par la réunion générale des citadins (vétché).

Il n'y avait aucune distinction entre les droits des citadins et ceux des paysans. En général, nous ne rencontrons dans la vieille Russie aucune classe distincte, privilégiée, isolée. Il n'y avait que le peuple et une race, ou plutôt une famille princière, souveraine, la descendance de Rurik le Varègue, qui était complètement distincte du peuple. Les membres de la famille princière partageaient entre eux toute la Russie, selon l'ancienneté généalogique des branches auxquelles ils appartenaient et leur propre ancienneté. L'Etat était divisé en apanages, qui n'avaient rien de fixe et qui étaient gouvernés chacun par son prince sous la suprématie du plus ancien de la famille, qui s'appelait grand prince et avait pour apanage Kiev, plus tard Vladimir et Moscou. Le pouvoir du grand prince sur les autres princes était très restreint. Ceux-ci reconnaissaient la suprématie de Kiev, mais il n'y avait presque aucune dépendance réelle, aucune centralisation administrative. Les apanages n'étaient point envisagés comme des propriétés individuelles des princes, ils ne pouvaient l'être, car les princes passaient souvent d'un apanage à un autre, en réunissaient plusieurs à la fois, par voie d'héritage, ou bien faisaient de leur lot autant de parts qu'ils avaient de fils et d'héritiers mâles; ou bien encore ils devenaient grands princes selon l'ancienneté (ce n'était pas le fils aîné qui succédait au grand prince, mais le frère de celui-ci). On peut s'imaginer, sans peine, à quelles luttes sanglantes, à quelles contestations éternelles donnait lieu une hérédité si compliquée. Les guerres entre le grand prince et les princes apanages n'ont pas discontinué jusqu'à l'établissement de la centralisation moscovite.

Nous trouvons autour des princes un cercle très restreint de leurs compagnons d'armes, amis ou dignitaires, qui forme quelque chose dans le genre d'une aristocratie très difficile à caractériser, parce qu'elle n'avait rien de défini ou de bien prononcé. Le titre de boyard était honoraire, il ne donnait aucun droit positif et n'était pas même héréditaire. Les autres titres ne représentaient que des fonctions, en sorte que l'échelle des dignités aboutissait imperceptiblement à la grande classe des paysans. Aussi toute cette couche supérieure de la société fut-elle recrutée par le peuple; les descendants des guerriers varègues, qui vinrent avec Rurik, apportèrent, à ce qu'il paraît, l'idée d'une institution aristocratique, mais l'esprit slave la mutila selon ses notions patriarcales et démocratiques. La drougina, espèce de garde permanente du prince, était trop peu nombreuse pour former une classe à part. Le pouvoir princier était bien loin d'être illimité comme il le fut plus tard à Moscou. Le prince n'était en réalité que l'ancien d'un grand nombre de villes et de villages,qu'il gouvernait conjointement avec les réunions générales, mais il avait l'immense avantage de ne pas être électif et de partager les droits souverains de la famille à laquelle il appartenait. En outre, le grand prince était le grand juge du pays, le pouvoir judiciaire 'tait pas séparé du pouvoir exécutif. Cette fédéralisation étran-dont l'unité s'exprimait par l'unité de la race régnante et se perdait point daus la divisibilité des parties et le manque de entralisation, cette fédéralisation, avec sa population homogène sans classes, sans distinctions entre les villes et villages, avec ses propriétés territoriales sous le régime communiste, ne ressemble en rien aux autres Etats de la même époque. Mais si cet Etat différait si essentiellement des autres Etats de l'Europe, on n'est point autorisé à supposer qu'il leur lût inférieur avant le XIVe siècle. Le peuple russe d'alors était plus libre que les peuples de l'Occident féodal. D'autre part, cet Etat slave ne ressemblait pas non plus aux Etats asiatiques, ses voisins. S'il y entrait quelques éléments orientaux, le caractère européen dominait. La langue slave appartient, sans aucune contestation, aux langues indo-européennes et non pas aux langues indo-asiatiques; en outre, les Slaves n'ont ni ces élans soudains qui réveillent le fanatisme des populations entières, ni cette apathie qui prolonge la même existence sociale au travers des siècles entiers et de générations en générations. Si l'indépendance individuelle est aussi peu développée chez les peuples slaves que chez les peuples d'Orient, il y a cependant cette différence à établir, que l'individu slave a été absorbé par la commune, dont il était un membre actif, tandis que l'individu de l'Orient a été absorbé par la race ou l'état auxquels il n'avait qu'une participation passive.

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